Comme l'a écrit Michèle Grünenwald, l'auto hypnose peut aider pour bien des maux ! De la douleur, à la gestion du stress, en passant par l'anxiété, l'insomnie etc...
Introduction
Soigner par l’hypnose, c’est aussi soigner un être en relation avec lui-même et avec ce qui l’entoure.1 La description de cette technique dépasse le but de cet article centré sur une approche pratique. Quelques éléments essentiels seront cependant évoqués en guise d’introduction avant de présenter un survol de la littérature et le travail clinique effectué auprès de patients souffrant de douleurs chroniques.
Qu’est-ce que l’hypnose ?
L’hypnose est un état modifié de conscience où le patient est conscient de tout ce qui est dit et de tout ce qu’il se passe autour de lui. Ce n’est pas un état de sommeil comme le pensent certains patients. Les recherches effectuées ont permis de constater qu’à l’électroencéphalogramme et à l’IRM fonctionnelle, les changements observés dans l’état d’hypnose ne correspondent pas à un état de sommeil.2,3 L’hypnose permet de mettre en lien le conscient et l’inconscient et ainsi d’aller chercher des ressources à l’intérieur de soi-même. Cette démarche est ainsi active et consentante.4 C’est un outil complémentaire aux autres thérapies médicamenteuses et non médicamenteuses (physiothérapie, massages par exemple) dont bénéficie le patient. En état de transe hypnotique, le thérapeute va utiliser des suggestions, des métaphores (par exemple visualisation et ressenti d’un gant autour de la main pour diminuer des sensations désagréables entre autres), afin de proposer au patient de modifier son rapport avec la douleur, avec d’autres symptômes ou plus largement avec son environnement.
Suggestibilité et autohypnose
Des signes propres à l’état de transe hypnotique permettent d’évaluer la suggestibilité d’un patient, comme par exemple la fixité du regard, la diminution du clignement des paupières, un changement de coloration de la peau du visage.
Tout patient peut bénéficier de l’apprentissage de l’autohypnose, consistant à apprendre les techniques pour faire de l’hypnose seul à domicile : apprentissage de l’induction, emplois des suggestions et métaphores élaborées avec le thérapeute et sortie d’hypnose. Le but de cet apprentissage est de pouvoir utiliser cet état de façon constructive et thérapeutique. Par contre, la prise en charge hypnotique chez des patients non stabilisés psychiquement est contre-indiquée.
Approche dans la douleur chronique
La douleur est, rappelons-le, définie selon l’Association internationale de l’étude de la douleur (IASP)5 comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion. C’est donc une expérience complexe comprenant des caractéristiques tant sensorielles, qu’émotionnelles, cognitives et motivationnelles. La douleur est de plus influencée par les représentations du patient, son vécu au sens large (vécu par rapport à d’autres douleurs qu’il a connues, par rapport à ses événements de vie).
L’hypnose, dans le contexte de la douleur chronique, peut être utile pour contrôler le niveau d’intensité de la douleur, pour gérer la douleur et/ou les émotions qui l’accompagnent, afin d’aider le patient à retrouver une qualité de vie acceptable.
L’hypnose permet au patient de découvrir et de développer de nouveaux outils personnels de gestion des différentes composantes de la douleur. Le patient souffrant de douleurs chroniques est souvent envahi par celles-ci et rencontre de la difficulté à se décentrer. L’hypnose permet alors d’élargir son champ de vision, en prenant du recul non seulement par rapport aux douleurs mais aussi par rapport à sa situation. Par ses suggestions pendant la séance d’hypnose, le thérapeute permet au patient de se focaliser sur d’autres éléments que la douleur, de recadrer la situation et de l’amener à découvrir ses propres ressources pour gérer la douleur.
L’hypnothérapie permet d’agir à plusieurs niveaux : le niveau sensoriel (intensité par exemple), la gestion de la douleur (diminuer une anticipation négative par exemple), le niveau cognitif (faire des liens entre la douleur et des pensées négatives), le niveau émotionnel (en lien avec des deuils non faits par exemple), et le niveau motivationnel (l’aider à trouver des ressources lui permettant de se mobiliser, de devenir actif dans la prise en charge).
Les outils hypnotiques utilisés pour moduler une douleur sont multiples, tels la distraction, l’imagerie mentale, l’apprentissage de la gestion des émotions, en particulier de l’anxiété et du stress, et de techniques permettant au patient de ne plus rester dans une pensée binaire dutout douloureux ou absence totale de douleur. Toutes ces techniques tendent à permettre au patient de retrouver un contrôle sur la douleur et ses conséquences dans sa vie quotidienne et à retrouver une certaine autonomie. Le patient n’adoptera les suggestions hypnotiques que si elles peuvent s’intégrer dans son système de représentations, d’où l’importance et d’une anamnèse approfondie et du lien thérapeutique.
Études sur l’utilisation de l’hypnose chez des patients souffrant de douleurs chroniques
L’étude d’Abrahamsen6 a évalué l’effet de l’hypnose chez 45 patients souffrant de douleurs orofaciales persistantes idiopathiques. Ils ont été randomisés en deux groupes, un groupe hypnose et un groupe contrôle chez qui seules des suggestions de relaxation étaient faites. Les résultats montrent dans le groupe traité une diminution significative de l’intensité de la douleur mesurée par une échelle visuelle analogique (EVA), de la consommation des antalgiques ainsi qu’une amélioration du sommeil. Cependant, il n’a pas été noté de bénéfice au niveau de la qualité de vie, ni des symptômes psychologiques associés (anxiété, dépression, symptômes obsessionnels-compulsifs, sensibilité interpersonnelle, symptômes de somatisation), ceux-ci n’ayant pas été inclus dans la prise en charge hypnothérapeutique de l’étude.
L’étude de Grondahl7 a évalué dans une étude randomisée, contrôlée, l’effet de l’hypnose chez seize patients souffrant de fibromyalgie. L’étude a montré une amélioration significative des symptômes et de la qualité de vie dans le groupe hypnose (n = 8) et chez quatre patients du groupe contrôle (n = 8) ayant accepté à la fin de l’étude un traitement par hypnose.
Dans l’étude de Castel,8 45 patients souffrant de fibromyalgie ont été randomisés dans trois groupes (hypnose avec suggestions analgésiques, hypnose de relaxation et relaxation seule). Les trois techniques diminuaient l’intensité de la douleur (EVA), et les composantes sensitives et émotionnelles de la douleur analysées sur le questionnaire d’évaluation de la douleur de McGill, mais seule l’hypnose avec des suggestions analgésiques montrait un effet marqué sur l’intensité et la composante sensitive. L’effet de l’hypnose avec suggestion de relaxation n’était pas supérieur à celui obtenu par une relaxation seule.
L’étude de Gay9 a réparti 36 patients souffrant d’une gonarthrose et/ou coxarthrose en trois groupes, un groupe hypnose, un groupe relaxation de Jacobson et un groupe contrôle. Une diminution de 56% (EVA de 4,16 à 1,97) des douleurs était observée à quatre semaines dans le groupe hypnose, et de 31% dans le groupe relaxation à huit semaines (EVA de 3,68 à 2,37) ; dans les deux groupes l’effet antalgique s’est maintenu à six mois. Une diminution de la consommation d’antalgiques était également retrouvée dans les deux groupes.
Une revue de la littérature récente de Jensen et Patterson10 inclut dix-neuf études mesurant l’effet de l’hypnose dans la douleur chronique. Un effet antalgique a été observé dans 18/19 études, avec très souvent un maintien de l’effet à moyen terme (jusqu’à une année). Les études qui comparaient l’hypnose à un traitement utilisant également des suggestions, comme la relaxation ou le training autogène par exemple, tendaient à montrer une efficacité similaire. A noter que le meilleur facteur prédictif de l’efficacité de l’hypnose y était la suggestibilité hypnotique du patient.
Conclusions
Par une approche, demandant au patient de devenir un partenaire actif, il est possible de modifier son expérience douloureuse aux niveaux sensoriel, émotionnel, cognitif et motivationnel.
Les buts de l’hypnose, et plus particulièrement la pratique de l’autohypnose, permettent au patient de retrouver un certain contrôle de la prise en charge de sa douleur, de mobiliser ses propres ressources et de retrouver une autonomie.
Le but n’est pas de supprimer toutes les douleurs, il arrive même que l’intensité de la douleur ne diminue pas, mais que l’hypnose aide le patient à gérer sa douleur d’une façon nouvelle, plus constructive, lui permettant d’améliorer sa qualité de vie.
Implications pratiques
> L’hypnose permet d’apprendre au patient, entre autre, à gérer sa douleur au niveau de l’intensité, au niveau des émotions qui l’accompagnent et de l’aider à trouver des ressources l’aidant à se mobiliser
> La pratique de l’autohypnose à domicile rend le patient actif de sa prise en charge et lui permet d’agir sur sa qualité de vie
> L’hypnose peut être apprise par tout un chacun
> Le patient doit être motivé à faire de l’hypnose et doit pouvoir se concentrer
Source: Michèle Grünenwald
© Médecine & Hygiène, 2009